PARSUIRE Dominique, Isidore, Jean
[pseudonymes de clandestinité : « Prades », « Gandhi » ; pseudonyme littéraire : « Joan D.I. »]. Né le 2 février 1903 à Fillols
(Pyrénées-Orientales), mort à Montpellier (Hérault) le 25 mai 1981 ;
instituteur dans les Pyrénées-Orientales ; militant socialiste ; conseiller d’arrondissement
du canton de Vinça élu le 10 octobre 1937 ; syndicaliste ; militant de l’ «
École moderne » ; franc-maçon ; résistant, cadre départemental de Libération-Sud,
des MUR et des FFI ; artiste ; écrivain de langue française et catalane. Dominique Parsuire
était le fils de Jean Parsuire, mineur du fer, et
de Catherine Monceu, son épouse
âgés respectivement, à sa naissance, de vingt-six et vingt ans.
Initialement le patronyme était orthographié « Poursuire
», mais, par décision du tribunal civil de Prades (Pyrénées-Orientales), il
fut désormais transcrit « Parsuire », cette
nouvelle orthographe devant être portée sur les registres de l’état civil.
Dès 1923, elle figurait sur le registre matricule établi par l’administration
militaire. Il entra à l’école normale de
Perpignan le 1er octobre 1920. Ce fut dans ce cadre qu’il noua des liens avec
des personnes dont il fut très proche, Louis Torcatis*,
en tout premier lieu. Trois élèves de sa de promotion à l’école normale de
Perpignan, Louis Torcatis, Antonin Pagès* et Marcel Mayneris* —
qui, quoique plus âgé, fut élève maître au même moment car il avait été
mobilisé en 1918-1919 — devinrent ses amis proches. L’amour de la musique — Parsuire pratiquait le piano — rassembla encore davantage
Parsuire, Torcatis et Mayneris. François Roig* fut aussi de la même promotion.
Plus tard, Parsuire devint l’ami proche d’un
instituteur plus jeune que lui, François Montagut*. Incorporé à Montpellier
(Hérault) au 81e RI le 13 novembre 1923, Parsuire
entra à l’école d’élèves officiers de Saint-Maixent
(Deux-Sèvres) le 26 novembre 1923, en même temps que son ami de l’école
normale, Torcatis. Le 24 mai 1924, il fut nommé,
ainsi que Torcatis, sous-lieutenant de réserve. Il
fut affecté à Marseillle (Bouches-du-Rhône) au 12e
RTS. Il fut rendu à la vie civile le 7 novembre. Il fut promu lieutenant de
réserve le 21 novembre 1927. Il se maria le 15 juillet 1925 à Llupia (Pyrénées-Orientales) avec Juliette, Marie,
Victorine Brial, institutrice originaire de cette
commune des Basses Aspres. Le couple eut deux filles : Line, épouse Montoussé vécut à Castelnau-le-Lez (Hérault) fut initiée
à la franc-maçonnerie ; Ginette, épouse du docteur Bouchy,
gastro-entérologue, fut professeur d’éducation physique et sportive et vécut
à Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales). De retour du service militaire,
il résida d’abord à Thuir, puis à Ponteilla et, à
partir de septembre 1938, à Perpignan. Instituteur à Ponteilla,
il fut nommé en octobre 1938 à l’école des Haras à Perpignan. Mobilisé le 2 septembre
1939, il intégra le 54e RIC à Hyères (Var) deux jours plus tard. Le 31
janvier 1940, la commission de réforme de Toulon prononça son maintien en
activité à la suite d’un examen cardiaque. Sa fiche du registre matricule
n’indique pas la date de sa démobilisation. Le 1er novembre 1940,
il fut muté d’office à Céret (Pyrénées-Orientales). Le 1er mars 1942, D. J. Parsuire fut déclaré comme démissionnaire d’office de son
poste de directeur d’école pour « menées antinationales ». Était-ce pour son
appartenance à la franc-maçonnerie ou était-il déjà soupçonné d’activités
résistantes ? Il réintégra l’enseignement public en 1945 après un bref
passage à l’Armée. Il termina sa carrière dans l’enseignement spécial : il
fut le directeur d’un centre d’enseignement de Perpignan destiné aux handicapés
mentaux, l’école du docteur Simon. Franc-maçon, Parsuire appartint à la loge perpignanaise Saint-Jean des
Arts de la Régularité (Grande loge de France). Le directeur de l’école
primaire supérieure de Perpignan l’aurait initié dès 1928. Nous ignorons si,
comme beaucoup de maçons de gauche ayant appartenu à cette loge, il adhéra,
après 1945 au Grand Orient de France (Voir Lloansi
Cyprien, Olibo Jean). Parsuire,
homme de gauche et esprit critique, partageait avec quelques uns des
normaliens de sa génération une profonde détestation des régimes fascistes.
Son pacifisme nourri des souvenirs douloureux de la Grande Guerre, s’il
l’amena à se ranger parmi les « Munichois », ne le conduisit pas, comme
certains, à adhérer, en 1940, aux idées de collaboration. Il retrouva dans la
Résistance des amis —dont quelques uns comme Torcatis
alors militant du PC avec qui il maintint toujours un débat amical — qui avaient pris à l’automne 1938 des positions résolument
hostiles à l’expansionnisme hitlérien. Dominique Parsuire
adhérait dès 1931 à la section de Thuir de la SFIO pour laquelle il tint
pendant quelque temps une chronique dans Le
Cri Catalan et dont il fut le délégué au
congrès fédéral du 29 octobre 1933. Dans le même temps, il participait à la
vie des cercles pradéens (Voir Boix Michel, Fabre
Marius) « d’Avant-garde » proposant l’unité d’action entre socialistes et
communistes. Il devint l’un des rédacteurs de L’Avant-Garde dès son n° 3 (février 1932). Après les événements de février
1934 qui renforcèrent sa conviction qu’il fallait développer l’unité d’action
avec le PC, il participa aux activités du mouvement Amsterdam-Pleyel, animant
ainsi, le 29 avril 1934, avec les communistes François Marty* et André
Gendre* une réunion de ce mouvement à Thuir. Il devint bientôt l’un des
dirigeants les plus en vue de la SFIO des Pyrénées-Orientales, intervenant
dans les débats et occupant divers postes de responsabilité. Dominique Parsuire fut réélu à la CAF par le congrès fédéral de la
SFIO du 2 juin 1935 où il réaffirma ses convictions laïques et où il défendit
la nécessité d’une réforme électorale avec une représentation proportionnelle
intégrale et l’égalité des droits politiques pour les femmes. À celui du 8
septembre 1935, il se présenta sur la liste de la Bataille socialiste,
tendance à laquelle il adhéra un temps (et par intermittence, selon les
questions soumises à la discussion) mais dont il se détacha définitivement en
1938 car il désapprouvait alors ses « penchants bellicistes ». Il fut
secrétaire de la commission fédérale des conflits qui exclut le député Joseph
Rous* de la SFIO et suspendit Jean Canal* de ses délégations. Secrétaire de
la section de Ponteilla fondée dans la dynamique du
Front populaire, il fut son délégué au congrès fédéral du 26 janvier 1936
dont il assura le secrétariat. Prenant position dans le conflit qui opposait
le « dissident » Joseph Rous, député sortant de Prades, il présenta un vœu
—renvoyé à la CAF— de la section de Ponteilla
demandant que Rous se retirât au profit de Paul Faure, secrétaire national de
la SFIO afin de barrer la route au candidat de la droite, René-Victor Manaut (1891-1992), sous-secrétaire d’État à l’Intérieur
(1929-1930) et député de 1919 à 1932. Au congrès fédéral du 24 mai 1936, il
fut réélu à la CAF sur la base du texte de Thuir inspiré par Louis Noguères*.
Mettant à profit les vacances d’été de 1936, il se rendit en Catalogne peu
après le déclenchement de la guerre civile espagnole ce qui lui permit
d’expliquer dans Le Socialiste des
Pyrénées-Orientales du 29 octobre
1936 le fonctionnement du comité des milices antifascistes de Catalogne.
Devant le conseil fédéral du 7 février 1937, il se fit le porte parole, avec
Marcel Mayneris*, du texte issu de la réunion, au Boulou, des sections socialistes de la
circonscription de Céret opposé à celui de la Gauche révolutionnaire défendu
par Isidore Forgas* et Jean Jacquier* présent à
Perpignan. Mettant à profit ses réflexions d’animateur de l’École moderne,
mouvement ouvert à l’utilisation des nouvelles techniques audiovisuelles, il proposa
lors de la séance du 25 février 1937 que « l’organisation de la propagande
par le cinéma » fût à l’ordre du jouir du prochain congrès fédéral. La CAF de
la SFIO le désigna (28 février 1938) pour remplir les fonctions de
bibliothécaire archiviste de la fédération et de l’Union des techniciens socialistes.
En juin 1937, il exerçait les fonctions de secrétaire fédéral adjoint
administratif de la SFIO. Lors du congrès fédéral du 4 juillet 1937, il
défendit le principe de la nécessité de la suppression du Sénat et de
nationalisations à réaliser « d’urgence ». Sur le « problème espagnol », en fait
la non intervention dans Guerre civile espagnole, il fit adopter une
résolution que Jean Zyromski défendit devant le
congrès national de Marseille. D’ailleurs, Parsuire
soutint la motion d’orientation proposée à ce congrès par la Bataille
socialiste (elle fut majoritaire à Perpignan devant celles proposées par la
Gauche révolutionnaire et par Léon Blum et Paul Faure. Parsuire
fut l’un des délégués des Pyrénées-Orientales à Marseille). Dominique Parsuire fut, avec Lucien Dhoste*,
le candidat de la SFIO dans le canton de Vinça aux élections pour le
renouvellement partiel des conseils d’arrondissement. Il fallait remplacer Gipulo*, maire de Vinça, conseiller sortant qui ne
voulait pas se représenter. Bien qu’étant originaire d’un village proche de
Vinça, mais du canton de Prades, Parsuire,
volontiers « anti-électoraliste » n’accepta de présenter que parce qu’il
avait, selon Marcel Mayneris, l’assurance d’être
battu. Mais il fut élu conseiller d’arrondissement de Vinça. Dès le premier
tour (10 septembre) avec 589 voix (539 à son colistier socialiste Dhoste), il devança les communistes Gendre et Fitte, les
radicaux socialistes Illes et Gallia et les
candidats d’extrême droite, Cabanat et Casanobe. Au second tour, opposé à l’extrême droite, il
fut élu avec 1229 voix (1286 à Dhoste). Ce fut le
seul mandat politique que Parsuire exerça. Au
congrès fédéral du 29 mai 1938, il intervint à nouveau, cette fois sur le
problème de la dissolution de la fédération de la Seine (à majorité GR),
exigeant des compléments d’information et demandant pour les militants de
cette tendance la possibilité de se défendre. Il fut à nouveau réélu à la
CAF. L’éventualité de la participation de la France à une guerre le
préoccupait et l’amenait à se prendre ses distances avec la Bataille
socialiste : dans une tribune libre du Socialiste
des Pyrénées-Orientales, il affirma avec
force ses convictions pacifistes et son hostilité aux perspectives d’une
union nationale. Il affirma avec conviction ses choix munichois à la
conférence fédérale de la SFIO (27 novembre 1938) consacrée au « Problème de
la Paix ». « Pas de bellicisme dans le parti socialiste, s’écria-t-il,
ajoutant que « une propagande intense en faveur de la Paix » était
indispensable. "La guerre est d’essence capitaliste, détruisons d’abord
le capitalisme ! ». Il réclamait, à la suite de Munich, « une conférence internationale
» qui, seule, « pourrait résoudre les problèmes économiques, ethniques et
territoriaux en suspens ». Lors de la préparation du congrès fédéral
extraordinaire du 11 décembre 1938 qui suivit, il publia une tribune libre
dans Le Socialiste des
Pyrénées-Orientales du 9 décembre,
intitulée « Contre la guerre » dans laquelle il exprimait avec emphase son
pacifisme qui, lors de la réunion de la section de Perpignan, l’amena à voter
(ainsi que Pascal Bernole*) pour la motion
présentée par Maurice Deixonne* et Ludovic Zoretti* au congrès national de Montrouge. Lors de ce
congrès fédéral, il réaffirma des convictions pacifistes et révolutionnaires
finalement assez proches de l’ancienne GR devenue PSOP. Mais il vota pour Zoretti, munichois et futur collaborationniste, dont le
texte rassembla 11 mandats contre 102 à la motion de Blum et 129 à celle de Paul
Faure, elle aussi munichoise. Notons qu’en 1938, officier de réserve, il fit
une période militaire à Castres (Tarn) avec Torcatis
qui ne partageait pas les mêmes opinions sur l’attitude à adopter à l’égard
d’Hitler. Au congrès fédéral du 21 mai 1939, il fut réélu comme titulaire à
la CAF au titre de l’Union des techniciens socialistes. Toujours résolument
pacifiste, il défendit dans les colonnes du Socialiste
le pacifisme de la majorité du SNI, son syndicat.
Avant la Seconde Guerre mondiale, Parsuire fut
aussi l’un des animateurs de la Jeunesse socialiste. Il composa l’hymne (en
catalan) des JS départementales, En davant ! Cançó de la Joventut socialista catalana ou Cançó de la Joventut socialista
del Rosselló, dont le refrain était : « En davant
! Visca la Revolució ! »
(« En avant ! Vive la Révolution ! ») qu’il lança à Ponteilla
en 1938. Le 2 octobre 1938, il fut élu (avec Aimé Fabre* et Joseph Pons) à la
commission de contrôle des JS des Pyrénées-Orientales. Il était également
membre adulte du comité fédéral mixte des JS avec Marianne Rauze-Comignan*, François Ramonet, Aimé Fabre, Damien Fabre et Pascal Bernole*. En 1939, au moment de la Retirada,
il hébergea momentanément des membres du gouvernement républicain espagnol.Avant 1939, Parsuire
fut un militant du syndicalisme enseignant et des mouvements éducatifs parascolaires.
Après sa sortie de l’école normale, il milita avec Louis Torcatis*,
Marcel Mayneris*, Robert Bazerbe*,
Antonin Pagès* dans le groupe des jeunes de la
Fédération unitaire de l’Enseignement animé par Michel Noé*. Adhérent de la
Fédération unitaire de l’Enseignement, Parsuire
soutint la majorité fédérale. Par la suite, au SNI, il soutint l’École
Émancipée. Il adhéra au groupe départemental de l’École moderne dont il
devint, avec Pagès*, Torcatis*
et François Montagut*, l’un des animateurs les plus
assidus. Parsuire se rendit à Vence afin de
rencontrer Freinet. Avec Torcatis, il publia un Recueil de chansons pour l’École gaie et réalisa plusieurs disques de chansons édités par la
coopérative de l’enseignement laïque (CEL) dont Antonin Pagès
fit la promotion dans L‘Éducateur
prolétarien, organe de presse de la CEL.
Il était aussi correspondant du comité départemental de « Vacances pour tous,
association mutuelle de tourisme populaire » créée par le SNI qu’il présenta
dans un article de L’Action syndicale, le mensuel de la Bourse du Travail de Perpignan et syndicats
confédérés des Pyrénées-Orientales. Avant 1940, Parsuire,
abonné à la revue catalaniste Nostra
Terra, adhéra au mouvement du même
nom (Voir Bassède Louis, Grau Roger) sans y militer
activement. Nous ignorons quand Parsuire entra en Résistance. Il était proche de deux
socialistes qui impulsèrent la création de Libération-Sud. Il connaissait
bien Jean Olibo* qu’il côtoyait dans la même loge
maçonnique perpignanaise. D’autre part, il était un des familiers de Mayneris depuis l’école normale. Aussi Parsuire adhéra-t-il au mouvement Libération-Sud,
constitué formellement dans les Pyrénées-Orientales le 20 février 1942.
Parallèlement il collaborait au fonctionnement de filières de passages
clandestins vers l’Espagne où il avait des contacts. En effet, muté à Céret,
près de la frontière, il revenait deux fois par semaine à Perpignan. Son
appartement abritait occasionnellement des candidats au franchissement de la
frontière (des aviateurs de la RAF en particulier). Après sa révocation, il
trouva un emploi au Comptoir forestier, ce qui lui permit d’aller souvent en
Vallespir : depuis Céret, il participa au fonctionnement de filières par Las Illas et le roc de Fraussa,
sans doute dans le cadre du réseau Brutus où se retrouvaient beaucoup de
socialistes ou sympathisants actifs par ailleurs dans les mouvements Combat
ou Libération. Peu après sa révocation de l’enseignement public, le 1e mars
1942, « pour activités syndicales et menées antinationales », il rendit
fréquemment visite, à Passa, à son ami Torcatis
qu’il convainquit d’adhérer à Libération. Ils collaborèrent alors étroitement
dans le cadre du mouvement. Sachant qu’il faisait l’objet d’une surveillance
policière, Parsuire évita désormais de passer la
nuit chez lui, préférant être hébergé par des amis. La mise en résidence
surveillée du premier chef du mouvement, Jean Olibo,
le 14 juillet 1942, provoqua une première restructuration du mouvement au
plan départemental sous la responsabilité de Joseph Rous [de Puyvalador]*. Parsuire entra au
comité directeur en même temps que Brice Bonnery*,
Pierre Tixador, Marcel Bruzy,
Michel Guisset, Fernand Baixas, Louis Torcatis, et Marcel Mayneris.
Dès le printemps 1942, Parsuire et Torcatis jetèrent les bases de l’organisation de la
branche militaire du mouvement, Para. En septembre Parsuire
était l’adjoint de Torcatis, chef départemental de
Para. La constitution des MUR dans les Pyrénées-Orientales, le 15 février
1943, s’accompagna, en avril, de la structuration de sa branche armée, l’AS. Torcatis en devint le chef. Parsuire
figurait dans l’état-major initial parmi ses adjoints. Il était coresponsable
du 1e bureau (effectifs, recrutement, fonds) avec le colonel de Bussy. Il
étudia la possibilité de coups de main et de sabotages contre les forces
allemandes et de mettre en place des maquis ou « réduits » et un ambitieux
plan de mobilisation de quelques supposés 3000 membres ou sympathisants de
l’AS : on ne sait pas sur quoi reposait cette évaluation très optimiste de
ces effectifs faite après la Libération et de leur possibilité d’armement.
Tout au plus assura-t-il l’armement de certains éléments de Perpignan et des
environs. Mais les MUR furent quasiment démantelés. La plupart de ses
dirigeants des Pyrénées-Orientales furent arrêtés le 23 mai 1943 décapitant
l’organisation. Parsuire fut arrêté par la Siecherheitspolizei en même temps que de Bussy.
Ils furent internés le 23 mai 1943 à Montpellier (Hérault) à la prison
militaire allemande. À Perpignan, le bruit avait couru qu’il était détenu à
la Santé. Passé dans la clandestinité et de passage à Paris, Torcatis avait même sifflé La Chanson des Marteaux sous
les murs de la prison. Faute de preuves, Parsuire
fut libéré le 8 septembre et plongea dans la clandestinité. Parsuire participa ensuite à la restructuration des MUR
et, surtout, de l’AS. Nous ignorons quelles furent ses activités concrètes.
Il fut, au lendemain de la Libération, membre de l’état-major des FFI des
Pyrénées-Orientales, créées seulement le 31 juillet 1944). Il apparaît à ce titre,
avec le grade de capitaine, dans de nombreuses photographies prises dans les
semaines qui suivirent la Libération du département. Sous l’autorité de
Dominique Cayrol* ancien chef départemental de l’AS, cet état major
rassemblait aussi un commandant, l’instituteur Joseph Balouet
et deux autres capitaines, Jean Couret*, des FTPF
et Jean Delpont*, de l’AS. Les éléments de sa fiche
du registre matricule postérieure à 1939 ont été presque tous effacés. Dans
la rubrique « Détail des services et mutations diverses », on ne lit que très
difficilement les mots suivants « ...commandant FFI (voir dossier individuel)
». Une bonne partie de la colonne « corps d’affectation » a été aussi effacée. Ne reste que la
mention « officier » (au crayon) dans la rubrique « armée territoriale de réserve
». Après la Libération, Parsuire s’occupa personnellement des fils de Louis Torcatis, assassiné à Carmaux le 18 mai 1944 par les
hommes de l’intendant de police Pierre Marty. Il milita à nouveau dans les
rangs de la SFIO dont il se détacha progressivement à partir de la seconde
moitié des années 1950. Il demeura proche de Louis Noguères en 1945, lors de
la première crise qui secoua la SFIO locale lors des élections municipales
d’avril 1945 puis, à nouveau, en 1950 lorsque Arthur Conte* et Louis Noguères
s’opposèrent. Au congrès fédéral de la SFIO du 8 décembre 1947, il devint responsable
de la rédaction du Cri socialiste, l’hebdomadaire départemental du parti. Il en fut quelque
temps le rédacteur en chef. En 1946, Parsuire
participa à la tentative impulsée par la SFIO, de lancer un nouveau quotidien
à Perpignan, Le Cri du soir. Le 1er juillet 1946, il fut avec le député Louis Noguères*
le fondateur d’une SA coopérative destinée à gérer le nouvel organe de presse
et en rédigea les statuts. Mais Le
Cri du soir ne prospéra pas et ne parut
que du mois d’avril 1946 au mois de mai 1948. Membre du bureau fédéral de la
SFIO, il fut candidat dans le canton de Saint-Laurent-de-la-Salanque lors du
renouvellement de la moitié des conseils généraux du 20 mars 1949. Éliminé au
premier tour, il obtint 273 voix (Roger Torreilles*,
PCF, 1307 ; Joseph Artès, radical-socialiste, maire
de Torreilles, 1038 ; Laurent Vidal-Barragué*, républicain socialiste, ex-SFIO, président de
la CGA, 574 ; Ferdinand Grézaud, journaliste, RPF,
317). Au deuxième tour, un nouveau candidat, Victor Dalbiez*,
également radical, ancien député et ministre, ancien maire de Perpignan qui
afficha l’étiquette de radicale fut— contre Artès
qui le battit— le candidat d’une gauche qui pourfendait l’anticommunisme et
prenait la défense de l’URSS. Parmi ses interventions publiques les plus remarquées,
on remarqua son article du Cri
Catalan — qui succéda au Cri socialiste le 22
juillet 1950 – du 16 septembre 1950 où il intervenait dans la violente
campagne menée par Louis Noguères contre la reparution de L’Indépendant sous
l’égide de ses propriétaires évincés en août 1944 et qui leur avait été
restitué par une décision de justice. Elle visait aussi un autre socialiste,
Arthur Conte, rallié à l’entreprise de reparution de L’Indépendant. Il
revenait sur la « trahison » présumée de Jeanne Brousse, née Suzanne alias «
la Marquise », femme de Georges Brousse, ancien directeur du journal arrêté
en mars 1944 et mort en 1945 en déportation en Allemagne. Le goût de Parsuire pour la musique a été évoqué plus haut. Mais il
s’essaya aussi à de nombreuses disciplines artistiques : peinture, sculpture,
écriture. En 1947, il exposa à Perpignan ses aquarelles. La revue littéraire
et culturelle perpignanaise Tramontane, relevait en 1947, parmi les œuvres exposées des « paysages
de chez nous avec de la fraîcheur, de l’originalité et du modernisme parfois.
De même des nus féminins ». Dans la même revue, Jacques Saze
notait en 1949 l’intérêt de Parsuire pour la céramique
dont il faisait profiter aussi ses élèves de l’enseignement spécial. Il
décrivait à ce propos : « l’oeuvre magnifique
poursuivie par J.D. PARSUIRE, directeur de l’école J. Simon, qui nous a présenté
dernièrement un ensemble d’étonnantes céramiques d’enfants arriérés ou
anormaux. Ces trouvailles naïves de formes, de couleurs ou de matières
auront-elles des lendemains ? Peu importe. Leur esprit s’éveille à la beauté,
leurs mains s’en imprègnent, c’est déjà un résultat inespéré ». Après la
guerre, Parsuire réalisa plusieurs sculptures,
notamment, de mémoire, un buste en bronze de son ami Torcatis
aujourd’hui exposé à l’école "Louis-Torcatis"
de Saint-Estève (Pyrénées-Orientales). Parsuire
connut puis devint l’ami d’un artiste de renom Manuel Pérez Valiente (1908-1991). Après la guerre cet Espagnol
réfugié de la Retirada commençait à être reconnu à
Perpignan. Il l’aida, lui procurant en 1950 un poste d’enseignant d’arts
appliqués à l’école du docteur Simon qu’il dirigeait. Parsuire
et son ami Montagut le recommandèrent ensuite à Maurice
Iché*, maire socialiste d’Ille-sur-Têt et directeur
du cours complémentaire qui fit en sorte qu’il obtînt (1956) un poste de
lecteur d‘espagnol dans son établissement. L’amitié entre Valiente
et Parsuire ne démentit jamais au fil ses ans. En 1974,
Parsuire consacra un numéro monographique de la
revue Conflent (Voir Lapassat Robert) à la vie et à l’œuvre de Valiente.
Ce dernier fit son portrait publié dans le n° 112 de Conflent (Prades),
couverture et p. 10. Pendant longtemps, Parsuire
écrivit surtout des articles de réflexion politique, nourrissant le débat.
Les textes de chansons mises en musique par Torcatis
relevaient aussi de l’activité militante et professionnelle même si elles
indiquaient une inclination pour une écriture plus littéraire. Parsuire publia pourtant dès 1939 dans Le Socialiste des Pyrénées-Orientales du 24 février 1937 une courte nouvelle, « La mort de Thomaset, berger à Taulis », où
il montrait déjà d’évidentes dispositions pour l’écriture littéraire. Ce ne
fut que tardivement qu’il donna la mesure de ses talents. Modeste, il s’adressa
au directeur de la revue pradéenne Conflent, Robert Lapassat* qui accepta
volontiers ses textes. Il eût mérité, sans doute, pour ses textes de prose, un
éditeur qui eût donné à ses écrits un public plus vaste. Ses narrations,
parfois autobiographiques, évoquant sa jeunesse ou le Conflent et le
Roussillon de la première moitié du XXe siècle sont très suggestives, d’une
grande justesse de ton et ont révélé une écriture d’une grande sûreté. Il
écrivit aussi des poésies en français mais aussi en catalan. Un recueil de
poésies, Le temps à chaînes évoque l’époque de la résistance et le souvenir de Louis Torcatis. À la fin de sa vie, qu’il passa en Vallespir, à
Amélie-les-Bains, il redécouvrit avec ferveur sa catalanité,
affirmant avec force son attachement à une identité et une langue qu’il ne
renia jamais même s’il ne les cultiva pas avec autant de force que dans les
années 1970. Il arborait parfois de façon ostensible la barretina (sorte de bonnet phrygien porté
par les Catalans du XIVe siècle jusqu’au début du XXe siècle). Ses obsèques
civiles eurent lieu dans la plus stricte intimité le 27 mai 1981. La revue Conflent lui rendit
hommage dans son n° 112 (1982). Il existe une rue « Joan DI » à
Amélie-les-Bains. Pour sa participation à la Résistance, Parsuire
fut décoré de la Croix de guerre avec palmes. OEUVRES : textes imprimés autres que musicaux :
(sous le pseudonyme de pseudo Joan D.-I.), « La vie magnifique de Valiente », Conflent,
71, 1974, pp. 269-327 ; 3) narrations, contes et récits parfois autobiographiques
dans Conflent, n° 56, 58, 60, 62, 64, 65,
66, 68, 78, 84, 91, 94, 97, 104, 107, 110, de 1972 à 1981 ; poésies en
français et en catalan (plusieurs recueils et dans Conflent
; des inédits : récits et contes, des poèmes en français (dont
Le temps à chaînes, chez l’auteur 1971, 30 p.)
et en catalan, trois comédies dont une en catalan. — Bibliographie partielle
de ses oeuvres littéraires (années 1960 et 1970,
sous le pseudonyme de Joan D.I.), Conflent,
112, Prades, 1981, p. 14). La bibliographie complète reste à établir. —
Collaborations politiques ou littéraires à de nombreux organes de presse des
Pyrénées-Orientales dès 1932. — Œuvres musicales y compris les paroles de
chansons enregistrées : Dominique Parsuire
(poèmes), Louis Torcatis (musique), Chansons
pour rendre l’école gaie aux enfants du peuple,
Toulouse, éditions Charles Costes, 21 p. [17 chansons]. —Sous son nom Ballet
de Coppelia, (valse)
partition composée par D.-J. Parsuire, Éditions Gérard
Billaudot (s.d.). — Souvenir,
enregistrement sonore (D.-J. Parsuire, auteur des
paroles ;Vincent Gambeau,
composition ; Georges Aubanel, direction d’orchestre ; Christiane Gaudel, chant), disque 78 tours, Scoladisque,
1954. — Petits pantins, quadrille
enfantin, pour évolutions rythmiques (D.-J. Parsuire,
Louis Torcatis*, Georges Aubanel, direction
d’orchestre), disque 78 tours, Coopérative de l’enseignement laïc, sl., sd. [avant 1939]. — Le semeur,
enregistrement sonore ; Les marteaux ;
Bonjour, (textes de Parsuire, musique de Torcatis,
interprétée par Mlle Decroix de la Gaieté lyrique),
disque 78 tours pour l’étude et l’accompagnement des chants scolaires,
Coopérative de l’enseignement laïc, sl., 1934. SOURCES : Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 1 R 587,
registre matricule, f° 992 ; 3 M 382 ; 3 M 382, élections au cons. arr. de
Prades, 1937. — Arch. com. Fillols, état civil,
acte de naissance de Dominique Parsuire et mentions
marginales. — Arch. privées André Balent, manuscrit
inédit et inachevé de Marcel Mayneris concernant la
période 1940-1944 (remis le 10 juillet 1983 à Perpignan). — L’Avant-Garde, Prades, n° 3 et sq. (1932).
— L’Éducateur prolétarien, 8-9, 10 février
1936. — L’Action syndicale,
mai 1938. — La Voix des Jeunes socialistes catalans,
8, juin 1938 ; 11, octobre 1938. — Almanach de la Voix des
Jeunes, 1938. — Le Cri Socialiste,
nouvelle série, (1945-1949). — Le Républicain du Midi,
21 mars 1949. — L’Indépendant, 29 mai 1981. —
André Balent, « Du Front populaire à la résistance.
L’itinéraire d’un militant perpignanais : Marcel Mayneris
(1899-1993) », Études roussillonnaises,
XVI, 1998, pp. 165-192 ; Notice « Balouet Joseph, Marcel
», Nouveau dictionnaire de biographies roussillonnaises,
Perpignan, Publications de l’Olivier, pp. 92- 93. — Roger Bernis, Roussillon
politique. Du réséda à la rose..., 1, Le
temps de Quatrième (1944-1958), préface de François Goguel, Toulouse, Privat, 1984, 286 p. [pp. 81, 217]. —
Gérard Bonet, L’Indépendant des Pyrénées-Orientales. Un siècle
d’histoire d’un quotidien 1846-1950. L’entreprise, le journal, la politique,
Perpignan, Publications de l’Olivier, 2004, 764 p. [p. 484]. — Charles Coral, « Hommage à Joan D.I. Il est mort le poète », Conflent,
112, Prades, 1981, pp. 11-12. — Émilienne Eychenne,
Les portes de la liberté. Le franchissement clandestin de la
frontière espagnole dans les Pyrénées-Orientales de 1939 à 1945,
Toulouse, Privat, 1985, p. 285 [p. 216]. — Camille Fourquet,
Le Roussillon sous la botte nazie,
tapuscrit inédit, Perpignan, s.d. [1959]) [p. 38].
— Ramon Gual & Jean Larrieu,
Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane,
II b, De la Résistance à la Libération,
Prades, Terra Nostra, 1998, 686 p. [p. 443, 449,
458, 809, 874, 901, 934]. — Robert Lapassat, « Joan
D.I., prosateur et poète », Conflent,
112, Prades, 1981, p. 13. — Jean Larrieu, Vichy,
l’occupation nazie et la Résistance catalane,
I, Chronologie des années noires,
Prades, Terra Nostra, 1994, 400 p. [pp. 109, 165,
170, 185, 232]. — Étienne Llauro, Torcatis
« Bouloc ». Destin d’un humaniste 1904-1944,
préface de Jean Larrieu, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 1998, 495 p. [pp. 23, 24, 27, 28, 55, 58,
69, 72, 73, 89, 116, 123, 129, 163, 257, 258, 260, 261, 265, 266, 267, 274,
377, 424, 425, 426]. — Jean de Loiseul, rubrique «
Vie artistique », Tramontane, 286-287,
Perpignan, 1947, pp. 301. —Jacques Saze, « Bilan de
l’activité artistique en Roussillon depuis cinquante ans : la céramique », Tramontane,
353, Perpignan, 1953, pp. 43-51 [p. 49]. — Georges Sentis, Les
communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies,
Lille, Marxisme / Régions, 1994, 182 p. [p. 103]. — Courriels de Brigitte Manera Payrou, 6 septembre 2012
et d’Étienne Llauro, 21 avril 2013. — Entretiens
avec Aimé Delmas (Perpignan, 26 mars 1983) ; Marcel Mayneris
(Perpignan, 2 juillet 1982, 6 octobre 1982, 13 octobre 1982) ; Lucette Justafré (Ille-sur-Têt, 5 octobre 1983) ; Francine Montagut, fille de François Montagut*,
Montauriol, 12 juin 2012. — Information orale
communiquée par Pierre Grau (novembre 2010). — Conversation téléphonique avec
Étienne Llauro, 17 avril 2013. André BALENT |